Parmi tous les livres proposés dans l'année, hormis ceux que j'ai évités soigneusement pour le peu d'intérêt qu'ils présentaient du point de vue de "l'histoire" ou de "la qualité d'écriture", il y a un livre pour lequel je décerne "mon coup de coeur 2014", loin des best-sellers surprises qui ont cartonné ou du prix Nobel, pour moi c'est "Un bon fils" de Pascal Bruckner.
Il est sorti au printemps et toute l'année je n'arrêtais pas de me répéter "lis Un bon fils, tu avais vu une interview de l'auteur et tu avais envie de le lire."
Mais voila, les mois ont passé, je n'avais pas eu le temps de me le procurer. Entre temps j'avais lu Euphorie Perpétuelle (toujours de Pascal Bruckner), Essai sur le devoir du bonheur. Mais "un bon fils" me restait en mémoire comme une envie qui presse et qui n'est pas satisfaite !
Il y a quelques jours, je suis enfin tombée sur lui, ou plutôt il m'est tombé dans les mains.
J'ai adoré ce livre et je suis maintenant très frustrée de l'avoir terminé. J'ai choisi de vous en parler sur mon blog pour partager ce livre bouleversant.
Le style de Pascal Bruckner, incisif, rythmé, puissant, chaque mot est choisi, les descriptions finement poétiques, des dialogues qui claquent... Et on comprend, au fil de la lecture pourquoi le livre s'intitule "un bon fils" et non pas "un mauvais père" alors que l'expression nous brûle les lèvres. Toute la magie opère dans la justesse des sentiments, on rit (les peluches et Pétain), souvent on s'émeut.
Rarement j'aime un livre ET son auteur (en tout cas c'est mission impossible chez les écrivains contemporains, Pascal Bruckner en parle très bien aussi), mais là je crois que c'est le cas, je l'aime bien. Pour plusieurs raisons, d'abord pour les pages magnifiques, son paragraphe qui conclut le livre, ou sa description sur la montagne, et notamment cet extrait sur l'hiver :
"Au contraire de la pluie qui suit bêtement les lois de la gravité, la neige descend avec noblesse, frôle les corniches, consent à se poser sur un coussin déjà préparé par d'autres flocons. Elle ouate les bruits, cache nos laideurs, donne un sentiment d'immobilité comme si, après avoir consenti à la chute, elle remontait lentement de la terre vers le ciel. Elle n'est pas froide, elle réchauffe les coeurs, se fait l'agent subtil du désir. Chaque fois qu'en montagne, j'ouvre les yeux sur une nuit que bleuissent les flocons larges et doux, je crois voir entre les branches des sapins encapuchonnés, accourant à ma rencontre, le visage de la femme aimée qui se détache, énigmatique et bienveillant".
Mais surtout parce que Pascal Bruckner est un écrivain optimiste, à l'inverse de son jumeau, Alain Finkielkraut, et dont il dit qu'il ne croit plus en l'homme. Et en cela aussi, son livre me parle, étant résolument optimiste.
Si vous ne savez pas quoi offrir, dans quelques jours, et que vous désirez offrir un grand livre d'un écrivain "connu" et reconnu, pensez à cet ouvrage.
"Le monde est un appel et une promesse : il y a partout des êtres remarquables, des chefs-d'oeuvre à découvrir" (Pascal Bruckner - Un bon fils).
Vous êtes les bienvenus sur mon blog littéraire. Passionnée de polars, thrillers, feel-good. Curieuse et toujours en quête d'originalité, je lis des livres des grandes maisons d'édition (je suis lecteur-ambassadeur pour l'une d'entre elles) et aussi les auteurs indépendants. Je partage mes coups de coeur et publie ici des chroniques "lu et approuvé". Présente sur VendrediLecture sur Facebook et le groupe "les mordus de thrillers", Babelio, Instagram, Twitter et Google+.
lundi 1 décembre 2014
mercredi 1 octobre 2014
La première phrase d'un roman
Je vous avais promis un article sur "la première phrase d'un roman".
De nombreux blogs donnent de bons conseils sur la manière d'aborder la première phrase lors de l'écriture d'un roman. Je ne vais donc pas en dispenser moi aussi, mais plutôt livrer une réflexion.
La première phrase c'est un peu comme une première fois.
Pour le lecteur, c'est la première ligne qu'il va lire du roman, et pour l'écrivain c'est sa façon de plonger dans la rédaction de son histoire. Il sait ce qu'il veut écrire, ou peut-être pas, mais il faut bien commencer par quelque part, avant de poursuivre ! J'aime beaucoup l'image de la page blanche sur la machine à écrire, dans les films, et l'écrivain qui n'arrive pas à commencer. Il tape, arrache sa feuille, la jette, recommence. Est-ce si difficile d'écrire la première phrase ?
La première phrase, côté lecteur, c'est un peu comme "la première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" de Philippe Delerm, celle qui vous donne envie, après y avoir goûté, d'y retourner et d'en reprendre encore, d'aller plus loin, de vous laisser aller.
Si la première phrase du roman vous a plu, alors vous avez envie de lire le paragraphe, puis le suivant. Vous vous apercevez que vous avez finalement lu une page, puis deux, puis un chapitre. Sans vous rendre compte, vous arrivez à la moitié du livre, vous êtes pris dans les mailles de l'histoire. Vous ne pouvez pas sortir. Pas tout de suite.
Je ne vais pas reprendre les débuts de roman célèbres déjà listés par d'autres blogs, il y a même un quizz disponible sur Babelio.com : http://www.babelio.com/quiz/5246/Les-premieres-phrases-de-romans-celebres
Je préfère vous donner le goût de quelques ouvrages, en vous présentant leur première phrase :
"Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l'Evêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité." (Un coeur Simple - Gustave Flaubert)
"Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. (Germinal - Emile Zola)
"Le jour où mon père est mort, la réalité a cessé de me passionner." (Le Zubial - Alexandre Jardin)
"Il se trouve dans certaines provinces des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes." (Eugénie Grandet - Honoré de Balzac)
"Pas un couteau de cuisine, évidemment, ni un couteau de voyou à cran d'arrêt." (La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules - Philippe Delerm)
"Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont." (Discours de la méthode - René Descartes)
Il n'est nullement besoin de les commenter, chacune de ces phrases est une invitation au voyage ou à la réflexion...
Pour ma part, chacun de mes romans débutera de la même manière, selon un même code que j'ai fixé, qui est d'ailleurs déconseillé par les sites de conseils en écriture car l'exercice est difficile et peut être un piège pour l'écrivain. Mais je me suis rendue compte que j'aime cette entrée en matière, on est tout de suite dans l'ambiance, dans une dynamique que j'aime, contrairement aux premières phrases trop longues en description, ce n'est pas... mon style ! Chacune de mes premières phrases de romans interpellera donc personnages ou lecteurs, et requerra votre attention. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir lu cet article.
***
samedi 20 septembre 2014
Le bilan de la rentrée littéraire : Gros temps sur un océan de livres.
On peut d'ores et déjà dresser un premier bilan de cette riche rentrée littéraire, riche en pépites, riche en nombre d'ouvrages et riche en... rebondissements.
La rentrée n'a pas été calme. Loin de là. Comme un océan par gros temps.
Imaginez plus de 600 voiliers, prêts à en découdre comme pour la Route du Rhum ou le Vendée Globe, certains rêvant même d'un record improbable (en nombre de ventes) et qui transporteraient donc des écrivains "officiels", des figures rassurantes du "milieu", tous sponsorisés par leurs marques, pardon, par leurs éditeurs.
Imaginez des gros paquebots, les croisiéristes, qui transportent à leur bord les journalistes, les médias, les bloggers littéraires, les réseaux sociaux, les internautes influents. https://www.actualitte.com/tribunes/et-si-la-rentree-litteraire-se-trompait-d-auteurs-2226.htm
Et donc, me direz-vous ?
Au milieu de l'océan vous ajoutez des inconnus (combien sont-ils ?) sur des planches à voile, certains plus modernes en kite-surf, pour la plupart qui ne savent pas nager, d'autres si et qui rêvent de naviguer vers l'autre côté, croyant naïvement que le vent les poussera vers un monde meilleur. Il y a ceux qui ne croient rien et qui font juste de la planche à voile pour le plaisir du vent, des courants marins, de l'air iodé, des embruns dans la figure, des dauphins qu'ils vont croiser. Ce sont les auteurs auto-édités, mes fameuses fourmis, vous vous rappelez : les artisans de l'écriture (vous pouvez lire cet article sur mon blog pour mémoire ici https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=1822909192517900113#editor/target=post;postID=6209926692764923355;onPublishedMenu=allposts;onClosedMenu=allposts;postNum=21;src=postname).
Et maintenant vous rajoutez sur cet océan le gros temps, avec un gros coup de vent (Echelle de Beaufort, force 8 :Tourbillons d'écumes à la crête des lames, trainées d'écume).
Les paquebots de croisières médiatiques s'en sortiront, la masse puissante et les équipements leur assurent la stabilité sur l'eau. Les communications sont même pas coupées, l'info file à toute vitesse. C'est à qui aura le dernier et surtout le bon mot.
Les voiliers de course, que ce soit les plus technologiques, les plus recherchés, ou même les plus bling-bling (ceux qui ont emporté du champagne à bord et une copine, au lieu des boites de sardines), s'en sortent.
Prudemment, on a réduit la voilure, on observe les autres concurrents. On est quand même plus de 600 au départ dans cette course aux livres. On lève les yeux sur sa grand voile : pas de problème notre éditeur nous lâchera pas.
Tiens untel à eu carrément un courrier d'éloges pour le concurrent "l'oubli" et pas par n'importe qui. "Injuste !" dira un autre surtout c'est une jeune débutante, en plus sa première course !
Et puis arrive un voilier pas très neuf avec à son bord tout un lot de gros maux, il y en a un sacré paquet parce que la ligne de flottaison du voilier est bizarre, encore un peu la ligne de vie et les filières seront dans l'eau. Mais le bateau s'enfonce légèrement, pas trop quand même. On sent qu'il veut en découdre aussi. Il était même pas inscrit au départ avec les autres. Le pire c'est qu'il avance le bougre. La navigatrice a balancé toutes les voiles dehors. Pas question de réduire la voilure (et de prendre un ris comme les autres), même si on avance vers le gros temps. Tiens, elle dépasse tous les autres concurrents.
Les paquebots ne voient plus qu'elle. Son embarcation n'est pas la plus crédible, mais tout le monde veut suivre sa course, mais sans l'avouer (principe bien français : on dénigre la télé réalité, le président français, les torchons... mais nous on est au dessus de tout ça : nous n'avons JAMAIS regardé de télé réalité, JAMAIS voté pour ce Président, JAMAIS lu tel livre). Tiens il semblerait que ce sont les non-initiés de la voile qui s'intéresseraient à elle plutôt qu'aux autres participants... Comment savoir ?
Bref, pendant ce temps elle a distancé les autres.
Tiens, un critique fait un papier, va-t-il donner leur chance aux autres concurrents des belles lettres ? No. Il n'a d'yeux sur l'eau que pour les 203 voiliers étrangers. Pas de chance. On cherche le voilier de l'ex fiancée mais il est déjà loin. http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/eric-naulleau-ma-rentree-litteraire-2-17-09-2014-1863993_1913.php
La tempête est là, trop tard, on l'avait pas vu venir. Tout le monde s'observe. On est tous secoués. On va attendre que ça passe. Les voiliers finiront la course eux aussi. Ils mettront du temps, quand tout le monde cessera de regarder le rafiot qui a tout raflé et s'intéressera de nouveaux aux autres concurrents...
Quant aux amateurs des planches à voile, les auteurs auto-édités : voir passer les lumières des paquebots au loin, ne pas pouvoir demander de l'aide et leur dire qu'on existe, c'est idiot. On va moins vite que les voiliers mais cela ne veut pas dire que notre course n'est pas intéressante à suivre. On a fait tout ce qu'on a pu : on avait une belle planche, une belle voilure, des muscles d'acier dans les bras, de la force dans nos jambes, un mental d'enfer près pour le froid et les vagues dans la gueule. Mais tout le monde est passé là-bas, à plusieurs dizaines de milles, et nous on est restés comme des cons, malmenés par le vent et les vagues comme les autres, minuscules gouttes infimes dans l'océan.
Je me positionne comme lectrice et spectatrice en cette rentrée littéraire, j'avoue que je ne sais pas quel voilier suivre dans cet univers que j'affectionne beaucoup. Je n'ai pas envie de Champagne, je n'ai pas envie de maux. J'ai envie de mots. L'écriture est mon refuge et la lecture mon évasion. Je veux... rêver. Alors je sais que dans mes prochaines découvertes littéraires, j'aurais sûrement un ou plusieurs bateaux de retard, j'aime voyager en dénichant un vieux roman d'il y a six mois ou 5 ans. Parce que les livres sont intemporels, on aura beau nous imposer des "dates" de période de parution propices à la sortie de nos livres, le lecteur fait comme il veut en fait. Et généralement en cas de gros temps, il ne s'aventure pas, il attend. J'attends de rêver.
mardi 9 septembre 2014
Arthur Schopenhauer et "La condition essentielle du bonheur"
"La condition première et la plus essentielle pour le bonheur de la vie, c'est ce que nous sommes, c'est notre personnalité. [...] Tout ce que nous pouvons faire [...], c'est d'employer notre personnalité, telle qu'elle nous a été donnée, à notre plus grand profit ; par suite, ne poursuivre que les aspirations qui lui correspondent, ne rechercher que le développement qui lui est approprié en évitant tout autre, ne choisir, par conséquent, que l'état, l'occupation, le genre de vie qui lui conviennent.
Un homme herculéen, doué d'une force musculaire extraordinaire, astreint par des circonstances extérieures à s'adonner à une occupation sédentaire, à un travail manuel, méticuleux et pénible, ou bien encore à l'étude et à des travaux de tête, occupations réclamant des forces toutes différentes, non développées chez lui et laissant précisément sans emploi les forces pour lesquelles il se distingue, un tel homme se sentira malheureux toute sa vie ; bien plus malheureux encore sera celui chez lequel les forces intellectuelles l'emportent de beaucoup et qui est obligé des les laisser sans développement et sans emploi pour s'occuper d'une affaire vulgaire qui n'en réclame pas, ou bien encore et surtout d'un travail corporel pour lequel sa force physique n'est pas suffisante.
Ici toutefois, principalement pendant la jeunesse, il faut éviter l'écueil de la présomption et ne pas s'attribuer un excès de force que l'on n'a pas. De la prépondérance bien établie de notre première catégorie sur les deux autres, il résulte encore qu'il est plus sage de travailler à conserver sa santé et à développer ses facultés qu'à acquérir des richesses, ce qu'il ne faut pas interpréter en ce sens qu'il faille négliger l'acquisition du nécessaire et du convenable.
Mais la richesse proprement dite, c'est à dire un grand superflu, contribue peu à notre bonheur [...] ; aussi beaucoup de riches se sentent-ils malheureux, parce qu'ils sont dépourvus de culture réelle de l'esprit, de connaissances et, par suite, de tout intérêt objectif qui pourrait les rendre aptes à une occupation intellectuelle. Car ce que la richesse peut fournir au-delà de la satisfaction des besoins réels et naturels a une minime influence sur notre véritable bien-être ; celui-ci est plutôt troublé par les nombreux et inévitables soucis qu'amène après soi la conservation d'une grande fortune. Cependant les hommes sont mille fois plus occupés à acquérir la richesse que la culture intellectuelle, quoique certainement ce qu'on est contribue bien plus à notre bonheur que ce qu'on a. [...]
Ainsi, l'essentiel pour le bonheur de la vie, c'est ce que l'on a en soi-même. [...]
Arthur Schopenhauer
(Texte complet dans Aphorismes sur la sagesse dans la vie, II.)
Arthur Schopenhauer (1788-1860) professa sans succès à Berlin, vers 1820, et renonça, faute d'auditeurs (il parlait devant une salle presque vide) à l'enseignement. Si son ouvrage principal "le monde comme volonté et représentation" (1818) n'eut aucun succès, de même que "les deux problèmes fondamentaux de l'éthique" (1841), les Parerga et Paralipomena (1851) le rendirent célèbre du jour au lendemain. Les disciples accoururent à Francfort, Wagner lui dédicaça "l'anneau des Niebelungen". Schopenhauer mourut, en 1860, en pleine gloire.
Les influences : Platon et Kant, il reprendra la théorie de la connaissance avec la distinction du "phénomène" et de la "chose en soi". La doctrine de Schopenhauer dérive aussi de la pensée hindoue. Il fut l'adversaire déclaré de Hegel, "écrivailleur d'absurdité et détraqueur de cervelle", selon ses propres notes.
Ce qui est étonnant à la lecture de ce texte (que vous pouvez lire intégralement avec d'autres textes de philosophes, qui donnent aussi à réfléchir, dans le livre "l'art du bonheur chez les philosophes" de Christophe Salaün), donc l'étonnant c'est la modernité de cette pensée. Plus de 150 ans ont passé, et les hommes sont exactement comme les décrivait Schopenhauer, bien plus occupés à vouloir faire leur fortune, qu'à s'élever intellectuellement... Alors que le bonheur est en soi. Mais qui s'en soucie encore ? Qui le sait ?
Un homme herculéen, doué d'une force musculaire extraordinaire, astreint par des circonstances extérieures à s'adonner à une occupation sédentaire, à un travail manuel, méticuleux et pénible, ou bien encore à l'étude et à des travaux de tête, occupations réclamant des forces toutes différentes, non développées chez lui et laissant précisément sans emploi les forces pour lesquelles il se distingue, un tel homme se sentira malheureux toute sa vie ; bien plus malheureux encore sera celui chez lequel les forces intellectuelles l'emportent de beaucoup et qui est obligé des les laisser sans développement et sans emploi pour s'occuper d'une affaire vulgaire qui n'en réclame pas, ou bien encore et surtout d'un travail corporel pour lequel sa force physique n'est pas suffisante.
Ici toutefois, principalement pendant la jeunesse, il faut éviter l'écueil de la présomption et ne pas s'attribuer un excès de force que l'on n'a pas. De la prépondérance bien établie de notre première catégorie sur les deux autres, il résulte encore qu'il est plus sage de travailler à conserver sa santé et à développer ses facultés qu'à acquérir des richesses, ce qu'il ne faut pas interpréter en ce sens qu'il faille négliger l'acquisition du nécessaire et du convenable.
Mais la richesse proprement dite, c'est à dire un grand superflu, contribue peu à notre bonheur [...] ; aussi beaucoup de riches se sentent-ils malheureux, parce qu'ils sont dépourvus de culture réelle de l'esprit, de connaissances et, par suite, de tout intérêt objectif qui pourrait les rendre aptes à une occupation intellectuelle. Car ce que la richesse peut fournir au-delà de la satisfaction des besoins réels et naturels a une minime influence sur notre véritable bien-être ; celui-ci est plutôt troublé par les nombreux et inévitables soucis qu'amène après soi la conservation d'une grande fortune. Cependant les hommes sont mille fois plus occupés à acquérir la richesse que la culture intellectuelle, quoique certainement ce qu'on est contribue bien plus à notre bonheur que ce qu'on a. [...]
Ainsi, l'essentiel pour le bonheur de la vie, c'est ce que l'on a en soi-même. [...]
Arthur Schopenhauer
(Texte complet dans Aphorismes sur la sagesse dans la vie, II.)
***
Arthur Schopenhauer (1788-1860) professa sans succès à Berlin, vers 1820, et renonça, faute d'auditeurs (il parlait devant une salle presque vide) à l'enseignement. Si son ouvrage principal "le monde comme volonté et représentation" (1818) n'eut aucun succès, de même que "les deux problèmes fondamentaux de l'éthique" (1841), les Parerga et Paralipomena (1851) le rendirent célèbre du jour au lendemain. Les disciples accoururent à Francfort, Wagner lui dédicaça "l'anneau des Niebelungen". Schopenhauer mourut, en 1860, en pleine gloire.
Les influences : Platon et Kant, il reprendra la théorie de la connaissance avec la distinction du "phénomène" et de la "chose en soi". La doctrine de Schopenhauer dérive aussi de la pensée hindoue. Il fut l'adversaire déclaré de Hegel, "écrivailleur d'absurdité et détraqueur de cervelle", selon ses propres notes.
***
Ce qui est étonnant à la lecture de ce texte (que vous pouvez lire intégralement avec d'autres textes de philosophes, qui donnent aussi à réfléchir, dans le livre "l'art du bonheur chez les philosophes" de Christophe Salaün), donc l'étonnant c'est la modernité de cette pensée. Plus de 150 ans ont passé, et les hommes sont exactement comme les décrivait Schopenhauer, bien plus occupés à vouloir faire leur fortune, qu'à s'élever intellectuellement... Alors que le bonheur est en soi. Mais qui s'en soucie encore ? Qui le sait ?
mardi 8 juillet 2014
Article : Une librairie parisienne lance un boycott contre Amazon
Une librairie parisienne lance un boycott contre Amazon
Je vous invite à prendre connaissance de cet article et ensuite, nous, les auteurs-artisans-auto-édités-indépendants nous devrions penser à tous envoyer nos livres dans cette librairie (attention il faudra prévoir de pousser les murs) pour qu'ils nous vendent, puisqu'une de nos rares chances dans ce milieu fermé c'est de pouvoir diffuser notre travail par Amazon !! Et eux, ils boycottent Amazon. Nous n'avons qu'à nous aussi ... boycotter... ceux qui boycottent...
Polémique absurde. Il y aura toujours des lecteurs qui n'achèteront que dans leur librairie, en format broché, et il y aura ceux qui préfèrent acheter sur Amazon, depuis la France, ou l'Australie ou depuis Londres, ceux qui préfèrent les liseuses, contrairement à ceux qui préfèrent sentir le livre dans leurs mains.
L'important c'est de pouvoir accéder aux livres. Personnellement, j'achète mes livres partout (la semaine dernière à la librairie du Channel).
Et en tant qu'auteur je n'ai pas choisi d'envoyer mes manuscrits aux éditeurs car aujourd'hui c'est systématique d'être refusé (lire mon article sur "les artisans auteurs auto-édités"), ils préfèrent attendre de voir un auteur émerger du lot (sur Amazon) avant de pouvoir signer un contrat avec lui. C'est ainsi. Je préfère me battre par mes propres moyens. Si aujourd'hui les ministres de la Culture successifs et les librairies françaises, (et les éditeurs) nous proposaient d'autres solutions qu'Amazon, bien sûr que nous les choisirions.
Les librairies ferment, les éditeurs sont timides et méfiants, la concurrence s'intensifie.
Quelles vraies solutions ont les lecteurs et les auteurs ??
Polémique absurde. Il y aura toujours des lecteurs qui n'achèteront que dans leur librairie, en format broché, et il y aura ceux qui préfèrent acheter sur Amazon, depuis la France, ou l'Australie ou depuis Londres, ceux qui préfèrent les liseuses, contrairement à ceux qui préfèrent sentir le livre dans leurs mains.
L'important c'est de pouvoir accéder aux livres. Personnellement, j'achète mes livres partout (la semaine dernière à la librairie du Channel).
Et en tant qu'auteur je n'ai pas choisi d'envoyer mes manuscrits aux éditeurs car aujourd'hui c'est systématique d'être refusé (lire mon article sur "les artisans auteurs auto-édités"), ils préfèrent attendre de voir un auteur émerger du lot (sur Amazon) avant de pouvoir signer un contrat avec lui. C'est ainsi. Je préfère me battre par mes propres moyens. Si aujourd'hui les ministres de la Culture successifs et les librairies françaises, (et les éditeurs) nous proposaient d'autres solutions qu'Amazon, bien sûr que nous les choisirions.
Les librairies ferment, les éditeurs sont timides et méfiants, la concurrence s'intensifie.
Quelles vraies solutions ont les lecteurs et les auteurs ??
mercredi 18 juin 2014
Les auteurs auto-édités : des artisans de l'écriture
Il y a ce mouvement qui s'est emparé de la toile, celui des "auteurs auto-édités".
Avec son lot de difficultés, et sa concurrence rude, c'est la guerre des plumes
(rien à voir avec celles du moulin rouge).
"Pourquoi s'auto-éditer
?" me direz-vous. Pourquoi ne pas adresser le manuscrit aux grandes
maisons d'édition, payer un prix conséquent pour envoyer 30 exemplaires, ouvrir en
retour des courriers de refus "votre manuscrit ne correspond pas à notre
ligne éditoriale, nous sommes désolés de ne pouvoir y donner suite blablabla...
bonne chance blablabla...."
Maintenant, les éditeurs ont
fait le choix de ne pas prendre de risque avec les auteurs : trop difficile de
vendre des milliers et des milliers de livres d'un seul auteur, il faut assurer
sa promo, l'envoyer chez Laurent Ruquier samedi soir, et s'il reste une place
l'envoyer aussi à la grande librairie sur France TV.
Bref, beaucoup de temps et
d'argent pour un seul auteur. Un pari bien trop risqué. Un gros boulot pour
eux. Et les auteurs auyo-édités sont des milliers avec leurs histoires. Les éditeurs ont
pris le pli de les surveiller de loin, et si jamais un auteur sort du lot sur Amazon, alors oui, on lui proposera un contrat.
Pas d'autres solutions que de travailler deux fois plus dur qu'un auteur
"sélectionné" par une maison d'édition. Lui, il envoie son fichier,
puis toute la machine se met en route à sa place, correction, mise en page,
remaniement, mise en place d'une couverture par le service graphique, tirage
d'une épreuve, communication... L'auteur peut se consacrer à la rédaction d'un autre ouvrage, en
toute tranquillité, et se laisser... porter.
Les petits auteurs
auto-édités sont des autodidactes qui doivent se porter, se supporter
seuls, ils doivent tout faire.
Bon nombre de mes amis ou
même des membres de ma famille, ne savent pas ce qu'est un auteur indépendant,
et s'étonnent de ne pas voir le nouveau bouquin à la Fnac ou... à Auchan
avec le dernier Amélie Nothomb.
D'abord, on écrit son
bouquin. Ce qui est (plus ou moins) facile. Là, au moment de se lancer dans
l'aventure, on prend des conseils et des leçons d'écriture, sur Internet, ou
dans des ouvrages précis, comme celui de Stephen King. On évite les pièges, on
apprend les trucs pour essayer d'intéresser, puis captiver, et retenir le
lecteur jusqu'au bout. Impossible d'écrire un livre plat, en tout cas c'est déconseillé.
On est content de son
résultat, on a écrit son premier livre. Super.
On cherche à l'imprimer,
chez un imprimeur, ou sur une plateforme d'Internet.
Avant ça, il faut le corriger.
Gros boulot. Les autres ne peuvent pas vous aider, ils ont leur vie et pas de
temps à vous consacrer. Donc système D. Logiciel spécifique. Réflexion pour
batailler avec le programme qui vous suggère une erreur possible alors que
vous, vous êtes sûr de votre coup. Polémique : "homme vs logiciel". Vérification dans le Bescherelle : JE gagne.
Puis remanier son livre,
juger que tel paragraphe est plat, et qu'il n'apporte rien à l'intrigue. Au contraire,
intensifier l'émotion c'est toujours bon. Rester subtil, ne pas être lourd.
Ensuite, on le met en pages
comme on peut.
On l'envoie à l'imprimeur,
on reçoit son épreuve, on se rend compte qu'il n'est pas paginé comme il faut, qu'il y a des erreurs
sur la couverture. Oups.
Finalement, vous vous
apercevez que vous passez plusieurs semaines à faire tout ce boulot,
correction, impression. Vous êtes découragés par tout ce temps passé. Parce que ce que
vous adorez par dessus tout, vous, c'est écrire. Là, vous n'écrivez plus, sauf dans votre tête où vos futurs personnages trépignent. Attendez les gars, pas le
temps.
On diffuse son livre, on fait des
choix, mauvais ou non, seule l'expérience nous dira si ce que nous avons
entrepris est bien. On a lu de nombreux blogs liés aux conseils de diffusion et
d'auto-éditions, comme par exemple le blog "le souffle du numérique"
qui est très bien fait, ou celui de Lise Journet une auteure de SF sur Amazon
qui est très bon aussi. Puis, on essaie de voir si on peut le déposer dans
telle librairie du coin, pour toucher des lecteurs locaux quand même, car nous
ne serons jamais dans les catalogues des réseaux Dillicom ou Décitre, donc
désolée, chère famille et chers amis, mais nous ne pourrons pas être dans votre caddie à Auchan ou Carrefour.
On le fait savoir à nos
réseaux sociaux, on envoie des mails de la parution de l'ouvrage (à n'envoyer
que quand on est sûr que son BAT est ok sinon nos lecteurs commandent eux
aussi... des erreurs. Sic.).
Et après on se lance dans
l'aventure de la commercialisation et de la communication pour informer les
lecteurs inconnus que notre livre est "exceptionnellement super" et
qu'il vaut le coup alors qu'il est en ligne parmi des dizaines de milliers de
titres, entre le dernier Stephen King et la lecture sulfureuse des cinquante nuances de grey...
Et là, les lecteurs se
méfient de vous, normal, ils ont pas envie d'acheter une daube insipide bourrée
de fautes, ou un bouquin qui traite de votre opération de l'appendicite qui s'est mal passée... ça se comprend. Ils attendent que la mayonnaise prenne, que vos
ventes augmentent, que vous remontiez du tréfonds du classement d'Amazon, pour être juste en
place 10 000, cool, le tout c'est qu'il faut bien que quelqu'un commence à vous
lire... c'est le début du cercle infernal.
En résumé, voila notre
boulot, donc pour tout mettre sur la carte de visite, ça va être compliqué :
- Ecrivain, auteur, conteur, puis :
- Correcteur
- Pagineur, spécialiste du
remaniement personnel (on pourrait même faire celui des ministères), et auto-censeur à ses heures,
- Editeur, grand maître de
l'ISBN, déclaration BNF, protection droits d'auteur (pas le droit à la SACD, à
la limite la SDGL mais faut voir, alors je choisis le système D...)
- Commercial, VRP, vendeur,
vous faites un audit sur la concurrence et vous lisez les blogs des autres
aussi, vous suivez l'actu littéraire, et vous regardez Ruquier. Normal, on
étudie le marché.
- Comptable avec notions
fiscalités : pour déclaration au fisc américain le fameux W-8BEN (rien à voir avec R2D2), et chez les français déclaration des BNC.
- Agent littéraire
(relations publiques et communication, penser à rencontrer journal local)
- Diffuseur, stratégies prix
attractifs, promotions etc.
- Coursier, faut aller le
poster, quelqu'un vous en commande un, via un site de vente.
Des sites proposent désormais des regroupements d'auteurs auto-édités pour faciliter les démarches de corrections ou de communication pour adresser à des milliers de lecteurs potentiels l'information de nouvelles lectures. Il y a le groupe des auteurs auto édités sur Facebook et le site dédié créé par Bruno Challard (il a créé aussi un concours 2015 de romans auto édités toujours en cours), et il y a nouvellement le site Scribay.
Un dernier conseil si vous vous lancez dans l'aventure de l'auto édition réfléchissez bien avant de signer avec un des éditeurs nombreux sur la toile et qui veut vous éditer "à compte d'auteur", vous y laisserez de l'argent. Prenez conseil plutôt sur les 2 sites précités avec des auteurs qui ont déjà cette expérience pour savoir quelle est la meilleure formule qui vous convient.
En conclusion, les
"artisans auteurs auto-édités, autodidactes et autonomes" attendent lecteurs, mêmes profils, courageux et adeptes de la première chance. Il faut bien
que quelqu'un goûte pour la première fois ces "petits pains
littéraires", pour y revenir après, et en parler autour de soi, dire à son entourage que le
"fait maison" par un inconnu, c'est aussi la qualité, même s'il y a une virgule en
trop qui a squatté page 34, l'histoire n'en sera pas bouleversée...
Problème : où sont les lecteurs ? Ils sont nettement moins
nombreux qu'avant, alors que les auteurs augmentent considérablement...
Pour aller plus loin, demandons-nous ce
qu'auraient fait les grands écrivains si personne ne leur avait permis d'être
édités et imprimés ?
"J'accuse"
aurait-il existé ? Et l'encyclopédie ? N'étaient-ils pas eux aussi, les Zola, Diderot, les Camus, Flaubert,
Balzac, Saint Exupéry et j'en passe, des artisans de l'écriture ? Et si les
médias consacraient aussi un peu de temps ou d'espace dans leurs colonnes pour
communiquer, non seulement sur l'actu des géants officiels de l'écriture, mais aussi sur
le travail titanesque et confidentiel des fourmis que nous sommes ?
mardi 17 juin 2014
La critique est aisée mais l'art est difficile.
Un coup de gueule de ma part qui est paru dans le Nord Littoral, qui a déjà un an,
et qui est toujours autant d'actualité d'ailleurs.
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